Othmane khoris, au sommet de la patisserie helvete

20 décembre 2023
OTHMANE KHORIS, AU SOMMET DE LA PATISSERIE HELVETE

Othmane Khoris, 27 ans, globetrotter de la pâtisserie sorti du CEPROC en 2014, un CAP en poche et un insatiable désir de réussite, vit un merveilleux début de carrière. Lorsqu’il posa ses valises à l’hôtel Alpina Gstaad en 2020, un palace niché dans les Alpes suisses, il ne se doutait guère qu’il se verrait un jour décerner le titre de « meilleur pâtissier suisse 2023 » par le Gault & Millau. Un tournant dans sa carrière qui lui donne des ailes. Le jeune pâtissier s’apprête à lancer son restaurant, un gastronomique tourné vers la cuisine sucrée, en plein centre de Genève.

Pouvez-vous retracer votre parcours au CEPROC ?

J’ai rejoint le CEPROC en 2012 afin d’exaucer une passion pour la gastronomie. En CAP pâtisserie, j’apprends les bases du métier dans un cadre bienveillant, porté par des formateurs et des pédagogues engagés qui se soucient de ma réussite. Je mesure, a posteriori, toute l’importance de l’encadrement de cette école qui m’a transmis des valeurs de professionnalisme qui me permettent de m’épanouir pleinement dans mon métier. Je me souviens aussi de l’internat de l’école où j’ai passé d’agréables moments.

L’apprentissage m’a permis de me responsabiliser et de gagner en indépendance. Outre le CEPROC, je dois beaucoup à la maison Stohrer au sein de laquelle j’ai fait mes premiers pas dans la vie professionnelle et à son chef pâtissier de l’époque, Jean-Philippe Garrigue, aux côtés duquel je me suis forgé une solide connaissance du métier. Sans oublier Jeffrey Cagnes, un professionnel talentueux avec le soutien duquel j’ai pu intégrer cette prestigieuse pâtisserie parisienne. Mon passage au Pavillon Ledoyen, où je côtoie le chef Yannick Alléno, aura également très instructif et source d’une grande inspiration.   

Pourquoi  avez-vous fait le choix de vous expatrier ?

Le voyage fait véritablement partie de mon ADN. J’ai été amené à déménager et changer de pays avec mes parents à maintes reprises, eu égard à leur métier. Toujours en quête de nouveaux horizons et de nouvelles idées, je savais dès les débuts de mon apprentissage que j’allais mener une carrière à l’international pour rencontrer des grands chefs et découvrir la diversité culinaire.

Lorsque vous justifiez d’une expérience professionnelle dans de prestigieuses maisons parisiennes, les employeurs à l’international ne cachent pas  leur enthousiasme à étudier votre candidature avec tous les égards qu’elle requiert. La ville de Paris exerce une telle fascination dans le monde entier qu’ils sont prompts à vous embaucher, si tant est que vous affichiez de la motivation et une ouverture d’esprit. Travailler à l’étranger implique des qualités d’adaptation sans lesquelles toutes velléités de carrière sont vaines.

Pour ma part, à chaque fois que j’adressais une candidature à l’étranger via des plateformes d’offres d’emploi, j’obtenais une réponse rapide et me voyais proposer un entretien dans la foulée. C’est ainsi que j’ai pu multiplier les collaborations au Japon, au Mexique, aux Etats-Unis, dans les Emirats arabes, les Iles Caïman, en Norvège… Autant de destinations qui m’ont permis de mûrir professionnellement et progresser dans la maîtrise de la pâtisserie.

Que retenez-vous de cette expérience internationale ?

Le fait d’avoir travaillé aux quatre coins du monde m’a permis de prendre conscience de la place centrale de la gastronomie française. J’ai fini par réaliser que ce que nous appelions la « cuisine internationale » était en réalité une cuisine bâtie sur des fondations proprement françaises. D’une certaine manière, tout le monde fait un peu de la cuisine française. S’agissant de la pâtisserie française, elle est celle que nous retrouvons, la plupart du temps, dans tous les grands restaurants de la planète. Elle est véritablement celle qui donne le tempo.  

Pourquoi avez-vous fait le choix de vous établir en Suisse ?

Après avoir collaboré avec le Bristol à Dubaï et le Bernardin aux Iles Caïman, je me retrouve au chômage technique en raison de la pandémie du Convid19 qui frappe l’ensemble du secteur hôtelier international. Alors que je me décide de rentrer en France, je postule au Grand Hôtel Des Bains Kempinski à Saint-Moritz en Suisse où je suis embauché sur le champ en qualité de saisonnier. Je découvre un pays extraordinaire  à tout point de vue où l’on me fait confiance. Tandis que mon contrat est sur le point de prendre fin en octobre 2021, j’ai connaissance d’une offre d’emploi de chef pâtissier à l’Alpina Gstaad, un hôtel de luxe dans la région de Berne. Je postule par email et moins d’une heure plus tard le chef Martin Göschel me propose un rendez-vous le lendemain. La rencontre est concluante. C’est le début d’une collaboration passionnante. Martin Göschel me donne carte blanche pour innover. Je m’amuse en revisitant de grands classiques tels que  le riz au lait que j’élabore à partir de riz fermenté cuit dans du lait avec de la vanille de Tahiti et auquel j’incorpore de la crème de Gruyère. Ou encore un dessert aux agrumes, décliné en trois textures (sorbet, confiture et gelée) et servi dans une écorce de pamplemousse carbonisée à la manière de Yannick Alléno.

Vous avez été sacré meilleur pâtissier de Suisse 2023 par le Gault et Millau. Que vous procure cette distinction ?

J’éprouve une immense fierté ! Je n’avais pas imaginé une telle reconnaissance de mes pairs en arrivant en Suisse. Je dois ce titre à l’Alpina Gstaad, un établissement d’exception qui m’a accordé toute sa confiance et permis d’évoluer dans un cadre extraordinaire. Je tiens à témoigner toute ma gratitude au chef Martin Göschel et au directeur de l’hôtel Tim Weiland. Ils ont été deux piliers de mon épanouissement professionnel.

Vous vous apprêtez à inaugurer votre restaurant « Othmane Khoris », un gastronomique haut de gamme en plein Genève. Comment est né ce projet ?

Né dans une famille en perpétuel mouvement, j’éprouve sans cesse le besoin d’aller voir ce qui se passe ailleurs. C’est plus fort que moi. J’aime m’imposer des défis et celui d’entreprendre a toujours occupé une place importante dans la relation à mon avenir professionnel. Ce n’était qu’une question de temps. Celui de l’expérience et de la maturité. Ces dix années passées à parcourir le monde pour réaliser ma passion de la pâtisserie m’ont permis de me forger une identité culinaire propre que je veux maintenant partager et faire partager. Pâtissier, j’ai la plupart du temps évolué dans l’univers de la restauration. Avec le temps j’ai fini par réaliser que je faisais de la « cuisine sucrée », une sorte d’entre-deux entre la cuisine et la pâtisserie. Voilà pourquoi mon restaurant sera orienté vers une gastronomie sucrée où l’on retrouvera par exemple le riz au lait, d’autres mets revisités et des créations. Designé par l’architecte d’intérieur Jorge Cañete, il comportera une partie salle où seront servis les mets et une partie vente à emporter. En guise de boissons, la clientèle se verra proposer toute une gamme de thés et de cafés très rares.

Comment finance-t-on un tel projet en plein cœur de Genève, une ville parmi les plus luxueuses au monde ? 

Tout au long de mes nombreux séjours à l’international, j’ai rencontré des personnalités et des hommes d’affaires de tous horizons dont certains sont devenus des amis. C’est véritablement dans ce réseau relationnel que j’ai trouvé mes associés au fil d’échanges et de discussions stimulantes qui ont permis au projet de germer. Séduits par mon approche culinaire, ils m’ont fait confiance et se sont engagés à mes côtés.   

Votre mot de la fin…

Je tiens à exprimer toute ma gratitude envers le CEPROC, ses formateurs et tout le personnel encadrant. Je serais ravi de venir vous rencontrer et témoigner de mon parcours auprès de vos apprenants.

Crédit photo : Vincent Calmel et Theus Productions